Le campus de jussieu, les derives d'une rehabilitation mal conduite
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Rapport public thématique |
Paris, le 17 novembre 2011 |
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Le campus de Jussieu, les dérives d'une réhabilitation mal conduite En 1996, la prise de conscience des risques liés à l'amiante sur la santé publique et la pression des utilisateurs du campus, ont poussé l'Etat à lancer dans l'urgence l'opération de désamiantage du campus de Jussieu (Paris Vème). En 2003, la Cour avait déjà dressé un constat alarmant des dérives de coûts et de délais de l'opération, et appelé à une reprise en main vigoureuse de son pilotage par l'Etat. L'audit approfondi mené en 2010 par la Cour lui permet de dresser un bilan complet de cette opération de réhabilitation d'un campus universitaire en pointant les graves dérives qui ont affecté son déroulement. Une opération mal préparée L'opération de désamiantage a été lancée dans l'urgence, en négligeant les phases de préparation : les études et diagnostics préalables ont été très insuffisants, les alternatives à la réhabilitation, en particulier l'option de démolition/reconstruction n'ont pas été sérieusement étudiées, l'enveloppe financière prévisionnelle a été largement sous-évaluée. Aucune structure de pilotage ni aucun schéma d'organisation n'ont été définis pour la conduite de cette opération particulièrement complexe, qui concernait l'université Pierre et Marie Curie, l'université Paris Diderot et l'Institut de physique du globe de Paris. Les défaillances de l'établissement public maître d'ouvrage L'établissement public du campus de Jussieu (EPCJ) porte une lourde responsabilité dans l'insuffisance des phases de préparation. Il n'a pas appliqué les fondamentaux de la maîtrise d'ouvrage publique, notamment la définition et la formalisation des programmes et des enveloppes financières associées, qui étaient presque systématiquement sous-évaluées et l'estimation des délais de réalisation pour chaque opération. L'EPCJ n'a pas été en capacité d'arbitrer les conflits entre les établissements universitaires et de s'opposer à leurs exigences. Il a privilégié les critères de délais et la satisfaction des utilisateurs au détriment de la maîtrise des coûts et du respect des règles de la commande publique. La dilution des responsabilités Cette opération a été marquée par la dilution et la confusion des responsabilités entre les établissements universitaires bénéficiaires des travaux, l'Etat financeur et l'EPCJ. Les établissements universitaires n'ont jamais été responsabilisés en matière de stabilité des programmes et de respect de l'enveloppe financière. La répartition des surfaces du campus entre les différents établissements universitaires n'a été définie par l'Etat que très tardivement, plus de dix ans après le démarrage des travaux. Malgré les recommandations formulées par les missions de contrôle dès 2003, l'Etat n'a pas assumé son rôle d'arbitre et de pilote. L'absence de pilotage de haut niveau, et en particulier le manque de coordination avec l'opération de construction du nouveau campus de l'université Paris Diderot sur la ZAC Paris Rive Gauche, ont engendré des retards importants de l'opération Jussieu. Dans ce contexte difficile, l'EPCJ était chargé de la totalité de la responsabilité du maître d'ouvrage sans avoir les moyens de l'exercer. Les dérives de délais et de coûts Toutes les opérations gérées par l'EPCJ depuis 2003 ont connu des dérives importantes de coûts et de délais. En application de la règlementation de 2001, le désamiantage du site devait être achevé à la fin de l'année 2004. Ce délai a été repoussé au 31 décembre 2007, puis au 31 décembre 2010. Finalement, les derniers travaux de désamiantage ne devraient s'achever qu'en 2011. L'allongement du calendrier a entraîné une très forte augmentation du coût final estimé de l'opération, due notamment aux coûts de location des locaux provisoires (22 M€ par an en moyenne sur la durée de l'opération). Le coût final estimé de l'opération, annoncé à 183 M€ en 1996 puis ajusté à 681,5 M€ en 2001, est aujourd'hui estimé à 1 850 M€. Le désamiantage ne représente que 9% du coût total. L'essentiel du budget est constitué des opérations de construction/réhabilitation des bâtiments (58%) et des coûts liés aux relogements (33%). Conclusion La complexité de l'opération de désamiantage du campus de Jussieu avait été largement sous-estimée lors de son lancement en 1996. Elle s'est finalement transformée en une vaste restructuration universitaire au bénéfice de l'une des toutes premières universités françaises, l'université Pierre et Marie Curie. Néanmoins, quinze ans après son lancement, son bilan financier est accablant. La cause majeure de ces dérives tient à l'absence d'un pilote de l'opération disposant de tous les leviers nécessaires à l'exercice de sa responsabilité pour assurer la maîtrise des coûts comme des délais. Tirant les enseignements de l'opération de désamiantage et de la réhabilitation de Jussieu, la Cour formule des recommandations destinées à sécuriser financièrement la fin des travaux, mais aussi à fournir un cadre pour les futures opérations immobilières envisagées par l'Etat au titre du plan campus et des investissements d'avenir. Ces recommandations visent à : - améliorer les compétences de maîtrise d'ouvrage de l'EPAURIF ; - responsabiliser les établissements universitaires ; - créer les conditions d'un pilotage stratégique par l'Etat des opérations immobilières universitaires. Devant l'ampleur des défaillances relevées à l'occasion de ce contrôle, la Cour des comptes a décidé de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière de certains faits constatés, et a transmis à cette fin le dossier au parquet général près la Cour de discipline budgétaire et financière, qui est celui de la Cour des comptes. EPCJ a été créé en 1997. En août 2010, l'Etablissement Public d'Aménagement Universitaire de la Région Ile-de-France (EPAURIF) s'est substitué à l'EPCJ. |
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