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AGEFI (L')

lundi 21 juillet 2003 à 11h38

L'AGEFI : L'Autorité des marchés financiers sera opérationnelle à la rentrée


Paris, le lundi 21 juillet 2003 - Dans un entretien exclusif accordé à L'Agefi, le ministre de l'Economie et des Finances, Francis Mer, commente les dispositions de la loi sur la sécurité financière adoptée le 17 juillet dernier. Outre la protection des épargnants, la réforme s'attache aussi à renforcer l'attractivité de la Place en autorisant les fonds contractuels

Il aura fallu à peine plus d'une heure et demie aux députés pour adopter définitivement, dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, le projet de loi sur la sécurité financière. Avec ses quelque 140 articles, la nouvelle loi a l'ambition de restaurer la confiance dans les marchés financiers et, sans doute aussi, de montrer que la France n'entend pas être en reste par rapport aux Etats-Unis sur le terrain des réformes rendues nécessaires par les récents scandales financiers. Mesure phare de ce texte, la création de la fameuse ' Autorité des marchés financiers ' (AMF), issue de la fusion de la COB et du CMF. Dans une interview exclusive accordée à L'Agefi, le ministre de l'Economie et des Finances, Francis Mer, confirme que la mise en place de la nouvelle autorité sera opérationnelle fin octobre. Sur elle pèsera l'essentiel du dispositif de sécurité financière, en attendant que les Etats membres de l'Union s'accordent sur la création d'une autorité de régulation européenne, institution que Francis Mer juge être le corollaire indispensable à l'édification d'un marché unique des valeurs mobilières. Le deuxième volet de la réforme s'attache à renforcer les garanties offertes aux épargnants et aux assurés. Dans cet esprit, la loi modernise les règles encadrant le démarchage financier pour, selon le ministre, ' rassurer celles et ceux qui sont sollicités par des démarcheurs sur les qualités de leur interlocuteur '. De même, la loi dote les conseillers en investissement financier d'un statut afin de préciser les qualités requises pour exercer cette profession. Mais le gouvernement ne s'est pas limité à élaborer des règles de protection, il a également décidé de renforcer l'attractivité de la Place de Paris en ouvrant la possibilité, en matière de gestion alternative, d'utiliser des fonds contractuels. Francis Mer précise, à ce sujet, que l'AMF aura pour mission de prévoir des garde-fous afin que ' cette activité ne devienne pas dangereuse pour ses utilisateurs '. Enfin, le troisième volet du texte se concentre sur l'audit légal et la gouvernance d'entreprise. La disposition phare en matière de commissariat aux comptes consiste à séparer l'audit et le conseil en interdisant aux auditeurs légaux exerçant en réseau de contrôler les comptes d'une société, par ailleurs conseillée au sein de ce même réseau. Reste la gouvernance, que l'on dit être la grande oubliée de la réforme. Estimant inutile voire néfaste de légiférer sur l'organisation et le management de l'entreprise, le ministre a en effet préféré miser sur un renforcement de la transparence, qui permettra aux épargnants d'apprécier l'organisation des sociétés dans lesquelles ils investissent. De fait, il appartiendra aux marchés de faire pression sur les groupes pour faire évoluer la gouvernance.

' Il s'agit d'une première étape vers l'édification à terme d'une instance de régulation européenne ' confie à L'Agefi, Francis Mer, le ministre de l'Economie et des Finances

- L'Agefi : Si la fusion de la COB et du CMF était très attendue, certains redoutent que le fonctionnement de l'AMF souffre de lourdeur administrative. Que leur répondez-vous ?

- Francis Mer : Les anciennes institutions vont fusionner non seulement leurs équipes et leurs compétences mais aussi leurs cultures respectives, je pense donc que la crainte que vous évoquez n'est pas fondée. Ce d'autant plus que l'esprit de cette autorité est d'être en prise directe avec les acteurs. Elle a été dotée d'un collège de pouvoirs nécessaires pour être en mesure d'influencer fortement les comportements des acteurs, tant en termes de compétence que de sanction. Notamment, elle a toute liberté pour rechercher des collaborateurs ayant les connaissances indispensables à l'exercice de son autorité et je pense qu'elle ira tout naturellement les chercher sur le marché.

- Ne pouvait-on étendre davantage encore ces pouvoirs en direction des analystes ou des agences de notation ?

- Il ne s'agit pas de se faire plaisir en édictant des règles inapplicables ou inutiles mais d'observer la situation telle qu'elle est. Fondamentalement, le problème des analystes ne peut être traité qu'au niveau européen et avec les Etats-Unis. Ceci pour une raison bien simple, c'est qu'une opinion peut être émise de n'importe où. En attendant, il faut souligner que les analystes financiers disposent d'un code de déontologie et sont soumis au contrôle de l'Autorité des marchés financiers, nous ne sommes donc pas dans le cadre d'une absence de réglementation et de surveillance. Pour ce qui est des agences de notation, le principal problème réside dans le fait qu'elles ne sont que quatre, dont deux américaines...

- Quand l'AMF sera-t-elle mise en place ?

- Nous sommes en train de préparer les décrets d'application de sorte que l'AMF soit opérationnelle fin octobre.

- Pensez-vous que, à terme, les régulateurs nationaux devront céder la place à une instance unique européenne ?

- Pour l'instant, les esprits ne sont pas encore mûrs. Les réformes accomplies en Espagne, Grande-Bretagne et dans d'autres Etats membres témoignent d'une prise de conscience sur la nécessité d'avoir des autorités de régulation modernes, actives et responsables. C'est une première étape vers l'édification, à terme, d'une instance de régulation européenne. Même si le sujet a donné lieu à des débats, je ne vois pas personnellement comment on peut prétendre faire l'économie d'une telle institution à l'échelon européen alors que l'on travaille à l'édification d'un marché unique des valeurs mobilières.

- Dans le cadre du G7, il était question d'aborder l'ébauche d'une réglementation internationale des agences de notation, qu'en est-il ?

- Nous sommes en bonne voie. Le nouveau président du forum de stabilité financière, M. Ferguson, m'a confirmé récemment qu'il était tout à fait d'accord pour mettre en place les conditions nécessaires à la transparence des agences de notation. L'idée est de fixer des règles de fonctionnement suffisamment claires pour que l'activité de ces agences ne donne pas lieu à des soupçons sur la manière dont les décisions sont prises ou les raisons qui les ont motivées. N'oublions pas que les agences de notation sont installées aux Etats-Unis, y compris l'agence dite ' européenne '. Dans ces conditions, et si l'on se place sur un terrain purement pragmatique, il faut admettre que ce problème ne peut être traité qu'au niveau international.

- La nouvelle organisation des autorités de régulation a-t-elle un impact sur leurs pouvoirs respectifs ?

- La réforme a, d'abord, l'intérêt de simplifier le système notamment en ce qui concerne la surveillance du secteur des assurances et du secteur bancaire. S'agissant de l'AMF, il est important de souligner que la future autorité bénéficiera de l'intégralité des pouvoirs qui étaient dévolus aux institutions qu'elle remplace. Par ailleurs, nous avons eu la préoccupation de sécuriser l'exercice du pouvoir de sanction du régulateur boursier afin d'éviter les annulations que nous avons connues dans le passé pour des raisons de non-respect des exigences de la convention européenne des droits de l'homme. Enfin, il faut souligner que les quantum des sanctions ont bénéficié d'un alignement par le haut.

- Un amendement à la loi attribue le contrôle des concentrations dans le secteur bancaire aux autorités de concurrence à la suite de l'arrêt rendu par le conseil d'Etat dans le dossier Crédit Agricole, Crédit Lyonnais. Comment cette nouvelle répartition des pouvoirs est-elle organisée ?

- Cette affaire a mis en exergue un vide juridique. Nous avons estimé que l'industrie financière était une industrie comme les autres et que, en conséquence, elle devait être soumise aux règles de droit commun en matière de contrôle des concentrations. Cela étant, le texte prévoit que les autorités de concurrence devront consulter le CECEI.

- A propos du démarchage, pensez-vous que le texte permet de clarifier le statut de la profession ?

- En effet, la loi de sécurité financière permet de clarifier le statut de démarcheur et encadre une profession qui ne l'était pas jusqu'à présent. Notre objectif n'était pas de compliquer l'exercice de ce métier mais plutôt de rassurer celles et ceux qui sont sollicités par des démarcheurs sur les qualités de leur interlocuteur. Ils sauront dorénavant qu'ils ont affaire à un professionnel soumis à une certaine éthique. Ils pourront même, a posteriori, lui demander des comptes et agir contre lui. Il faut à tout prix empêcher que le démarcheur puisse tirer profit de l'ignorance ou de la faiblesse d'un client pour lui vendre un produit de piètre qualité et surtout en lui cachant ses caractéristiques.

- Les conseillers qui appartiennent à un réseau bancaire ou à une compagnie d'assurances sont-ils eux aussi visés par la nouvelle réglementation ?
- Nous avons eu des discussions assez vives avec les banques dans le cadre de la définition du champ d'application de ces dispositions pour le démarchage à distance. Deux cas de figure se présentent, si un conseiller en gestion de patrimoine est indépendant, il devra faire la preuve d'une certaine éthique et sera donc concerné par le texte. En revanche, s'il est rattaché à une banque ou à une compagnie d'assurances et qu'il ne fait pas de démarchage physique, alors la structure pour laquelle il travaille sera responsable de son comportement.

- La création des fonds contractuels est particulièrement attendue par les gestionnaires, notamment par ceux qui font de la gestion alternative. Quand pourront-ils commencer à les utiliser ?

- Cela devrait être possible avant la fin de l'année, une fois les décrets d'application promulgués. Ces fonds ne s'adresseront qu'à une clientèle avertie, d'investisseurs qualifiés, la mise de départ sera importante pour éviter une diffusion dans le grand public de ce type de fonds. Les sociétés de gestion bénéficieront d'agréments spécifiques de l'AMF sur leur programme d'activité. Ces fonds constituent le moyen d'avoir accès et de produire des hedge funds sans avoir à traverser le channel.

Cette innovation est particulièrement importante et peut contribuer à développer l'attractivité de la Place de Paris. Nous avons la demande pour ces fonds en France, à nous maintenant de permettre la constitution d'une offre nationale.

- Ne faut-il pas prendre des précautions par rapport à ce type de gestion ?

- La nouvelle autorité des marchés financiers aura à coeur de prendre toutes les précautions nécessaires en prévoyant des garde-fous dans les décrets d'application. Il faut développer cette activité en France, sans toutefois qu'elle ne devienne dangereuse pour ses utilisateurs.

- Que répondez-vous à ceux qui critiquent la faiblesse du dispositif sur la gouvernance inscrit dans la loi ?

- L'idée est de mettre les entreprises en compétition, non seulement sur le terrain de la performance mais aussi désormais sur celui de l'organisation, et ce, grâce à la transparence. Concrètement, il s'agit d'obliger, par le biais du libre jeu de la concurrence, les sociétés à se doter des outils de gouvernance qu'elles jugeront les mieux adaptés à leur mode de fonctionnement. Légiférer sur l'organisation et le management de l'entreprise ne me paraît, en effet, pas être une bonne idée. En revanche, en imposant la transparence sous la surveillance de l'AMF, on permet aux épargnants à travers leurs intermédiaires de porter un jugement éclairé non seulement sur les performances financières mais aussi sur l'organisation des sociétés. Je pense que les entreprises comprendront très vite où se situe leur intérêt.

- Les députés, parmi lesquels le président de la Commission des lois Pascal Clément, ont menacé le Medef de légiférer sur la rémunération des dirigeants, qu'en pensez-vous ?

- J'estime que la fixation du salaire d'un dirigeant relève de l'assemblée générale des actionnaires et du conseil d'administration, et j'espère que les entreprises sauront prendre leurs responsabilités sans que le législateur ait à intervenir.

- Microsoft et Citigroup ont récemment renoncé à allouer des stock options. Pensez-vous que de telles décisions vont trouver un écho en France ?

- C'est sans doute le résultat d'une prise de conscience que les plans d'options n'ont pas que des mérites, notamment parce qu'ils engendrent des créances implicites et incertaines. Le débat va indéniablement traverser l'Atlantique.

- Etes-vous favorable à l'idée de rendre le vote en assemblée obligatoire ?

- Nous avons demandé que les Sicav votent ou expliquent pourquoi elles ne votent pas. Pour le reste, je ne vois pas au nom de quel principe on obligerait qui que ce soit à voter. Encore une fois, notre volonté en préparant cette loi a été de préserver la liberté dans le cadre d'une transparence renforcée.

- Quelle est votre opinion sur la distorsion de plus en plus décriée entre la situation des grands fonds et celle des épargnants sur le marché ?

- Ce ne sont pas les mêmes actionnaires, en effet, mais c'est la vie d'un marché. Nous évoluons dans un monde où les marchés vivants et réactifs permettent la moins mauvaise allocation des ressources. Jusqu'à présent, personne n'a trouvé de meilleur système.

- Quel regard portez-vous sur le débat relatif aux administrateurs indépendants ?

- J'ai estimé qu'il valait mieux ne pas inscrire de définition de l'administrateur indépendant dans la loi afin de ne pas réduire le nombre de personnes susceptibles de prétendre à ce statut. Personnellement, il me semble que l'indépendance n'a pas de sens si elle ne s'accompagne pas d'un minimum de compétences. C'est pourquoi, là encore, l'essentiel est de garantir la transparence. Dans cet esprit, il appartient à chaque société d'expliquer qui sont ses administrateurs, comment ils ont été choisis, etc. De cette façon, les administrateurs comprendront qu'ils ont intérêt à exercer leur fonction de manière responsable.

Contact : Bernard SIRVEN

Tél : 01 53 00 26 60

E-mail : bsirven@agefi.fr

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